Processus hydrodynamiques côtiers lacustres : Upwelling et courants de densité froids

La qualité de l’eau des lacs est étroitement liée aux courants et elle est souvent fortement influencée par la stratification thermique, qui limite les échanges verticaux entre les couches supérieures (plus chaudes, moins denses) et inférieures (plus froides, plus denses) de la colonne d’eau. La perte de chaleur à la surface pendant le refroidissement automnal et hivernal génère proche de la surface, des masses d’eau à flottabilité négative qui plongent en profondeur, fragilisant ainsi la stabilité de la structure thermique de la colonne d’eau. Ce refroidissement par convection, important processus dans le cycle annuel des lacs, est vital pour leur fonctionnement écologique. Dans les lacs peu profonds et / ou soumis à un fort refroidissement, la stratification est progressivement érodée lors du refroidissement en automne et en hiver, résultant en une colonne d’eau complètement mélangée et donc une redistribution verticale d’importants paramètres de la qualité de l’eau comme l’oxygène dissout et les nutriments. D’autre part, dans les lacs profonds, la convection verticale bien souvent n’atteint pas les couches les plus profondes et une faible stratification thermique se maintient tout au long de l’hiver. Généré par l’écart de température entre l’atmosphère et la surface du lac, le refroidissement par convection devrait même devenir moins efficace à l’avenir avec des hivers plus doux à cause du changement climatique, ce qui motive la bonne compréhension des autres mécanismes qui contribuent aux échanges verticaux et au renouvellement des eaux profondes, particulièrement dans les lacs profonds.

Avec une surface de 580 km2, une longueur totale de 73 km le long de son axe principal, et un volume de près de 89 km3, le lac Léman est le plus grand lac d’Europe de l’Ouest. A cause de sa remarquable profondeur de 309 m, le lac Léman reste stratifié la plupart des années, le refroidissement par convection des couches profondes ne survenant que pendant les hivers extrêmement froids. De récentes études basées sur des modèles une dimension suggèrent que le refroidissement par convection dans le lac Léman va réduire en intensité à cause du changement climatique, résultant en : (i) une période de stratification prolongée (ii) un brassage vertical complet moins fréquent, et (iii) une profondeur maximale de brassage réduite en hiver.

Dans les lacs grands et profonds tels que le lac Léman, deux processus apparaissant dans la zone côtière peuvent significativement contribuer au renouvellement des eaux profondes pendant l’hiver : les courants de densité sur les pentes latérales du lac causés par la différence de température entre la zone proche de la rive peu profonde et la zone éloignée du rivage très profonde (voir le projet “Mélange turbulent en zone littorale et son impact sur les courants verticaux des grands lacs“) et la remontée le long des flancs du littoral de masses d’eau profonde générées par la force du vent et influencées par la force de Coriolis.

La localisation du Bois Chamblard sur les rives du lac Léman, avec sa bathymétrie en pente douce, offre une excellente possibilité pour l’étude des phénomènes hydrodynamiques du littoral, tels que les remontées côtières dues au vent et les courants de densité générés par le refroidissement. Pour analyser la dynamique de ces processus et évaluer de quelle manière ils contribuent au renouvellement des eaux profondes, ECOL a mis en place un système de mesures in situ à long terme, utilisant notamment des câbles en fibre optique et des appareils de mesure de température et de courants. Les observations de terrain ont fourni de précieux renseignements et sont utilisées dans différents projets. De plus, les observations faites sur le littoral à Bois Chamblard ont permis de valider un modèle numérique en trois dimensions, à partir duquel les dynamiques de ces processus à l’échelle du lac ont pu être étudiées.

Une thèse de doctorat a démontré que le Vent (vent du sud-ouest) pendant l’hiver génère une remontée côtière des eaux sur un large tronçon de la rive centre-nord du lac Léman (i.e. proche de Bois Chamblard). Lors de ces remontées, des masses d’eau provenant d’une profondeur jusqu’à 200 m sont déplacées vers la zone peu profonde du littoral où elles passent environ une journée avant de retourner dans les couches profondes lorsque le vent cesse. Une fois remontées à la surface, ces eaux (faible en oxygène dissout) sont soumises à un échange de gaz (notamment de l’oxygène) avec l’atmosphère. Par ailleurs, avec la forte force du vent et la faible stratification en hiver, un brassage intense se produit également entre les eaux récemment remontées et les eaux de surface riche en oxygène dissout. Etant donné que le Vent est l’un des plus importants vents dans la région du lac Léman en hiver, les remontées côtières générées par ce vent contribuent largement au renouvellement des eaux profondes dans le lac. Puisque ce processus induit par le vent est moins sensible au changement et réchauffement climatiques que le refroidissement par convection, il va probablement devenir d’autant plus capital à l’avenir.

Andrew Barry

Prof. D. Andrew Barry

Ecological Engineering Laboratory, EPFL

Rafael Reiss

Dr. Rafael Reiss

Ecological Engineering Laboratory, EPFL

Publications

  1. Reiss, R.S., 2021. Dynamics of wind-induced coastal upwelling and interbasin exchange in Lake Geneva during winter: Implications for deepwater renewal. PhD thesis. École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL). doi:10.5075/epfl-thesis-8110
  2. Reiss, R.S., Lemmin, U., Cimatoribus, A.A., & Barry, D.A., 2020. Wintertime coastal upwelling in Lake Geneva: An efficient transport process for deepwater renewal in a large, deep lake. Journal of Geophysical Research: Oceans 125. doi:10.1029/2020JC016095